Et si les mots de Paul Eluard contaient l’histoire de Sébastien Geslin ?
Il n’a que 8 ans lorsque naissent, sur le papier, ses premiers dessins. Des portraits. Quelques années plus tard, ses parents lui reconnaissent des « mains en or ». Elles rejoignent l’équipe d’un fabricant de chaussures vendéen, où, en tant que maquettiste, il explore durant des années le champ de la créativité. Dans un atelier taillé sur mesure, il perfectionne encore et encore son expertise et imagine déjà, derrière chaque semelle, une silhouette, un caractère, une sensibilité…
Mais l’activité, passionnante, exige une grande précision, et une observation quotidienne des détails. Sébastien doit se rendre à l’évidence : sa vue baisse. Il a besoin de lunettes.
Amoureux des pièces bien manufacturées, il se lance à la recherche de LA paire de lunettes de ses rêves… Et finit par décider de créer sa propre monture.
Elle sera en padouk, bois massif rouge orangé. Malheureusement le bonheur de l’ouvrage accompli avec beaucoup de soin est aussi intense qu’éphémère… :
« Un jour de printemps, je me rends à un repas de famille. Dans ma voiture, j’ai avec moi ma paire de lunettes. Je la montre à un cousin, qui l’essaie avec enthousiasme. Mais son visage n’est pas le même que le mien : la monture casse. A cet instant seulement, je comprends qu’une paire de lunettes doit être beaucoup plus solide qu’on voudrait bien l’imaginer ».
Cette anecdote compte beaucoup dans la suite du parcours de Sébastien.
La question du visage, notamment, sert de terreau de réflexion pour mettre au point des charnières au style inédit.
« Quand j’ai commencé à travailler sur cette charnière, pour le réglage temporal, je pensais que cela existait déjà : c’était évident, pour moi, mais j’ai vu l’étonnement dans le regard des opticiens ».
Persévérant et obstiné, Sébastien remet l’ouvrage sur la table, se fabrique une nouvelle monture. Puis d’autres, pour voir, jusqu’à créer une petite collection.
Le hasard d’une heureuse coïncidence le conduit au salon mondial de l’optique. Nous sommes en 2017.
« J’ai 4 plateaux de 6 paires de lunettes. 4 formes et 6 finitions. On m’octroie quelques mètres carrés sur un stand. Je présente mon travail devant les clients du monde entier ».
Les gens s’arrêtent et la magie commence à opérer. Sébastien prend des commandes en Suisse, au Mexique, en Belgique et en France.
La machine est lancée.
Ému par la puissance de la forêt, source de protection et d’énergie, bouleversé par la longévité de ces végétaux aux troncs centenaires, Sébastien Geslin aime sentir les notes sucrées, boisées ou fumées des planches qui rejoignent son atelier.
Une fois passées entre ses doigts de « Gepetto », elles deviendront Ange, Bull, ou Babel, en finition Line, Mad ou Cara.
Des noms de baptême spontanément attribués aux créations uniques, toutes numérotées.
« Dès que j’arrive à l’atelier, la magie opère ».
Un quotidien fait de bois, de patience, et de beaucoup de générosité.